Procédures judiciaire amiante
Faute inexcusable, Fonds d’indemnisation et Procédure pénale
Les « maladies de l’amiante » sont la première cause des maladies professionnelles en France.
La maladie est « professionnelle » si elle est la conséquence directe de l’exposition d’un travailleur à un risque chimique, biologique ou résulte des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.
Amiante : la notion de faute inexcusable
Ces dernières années, de nombreuses victimes de l’amiante ont engagé des procédures contre les industriels responsables de négligence d’information et de protection envers leurs employés sur le fondement de la faute inexcusable définie par l’article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale.
Le 15 juillet 1941, la Cour de Cassation en chambres réunies a définie la notion de faute inexcusable. Ainsi, elle doit s’entendre :
d’une faute d’une gravité exceptionnelle, dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait avoir son auteur, de l’absence de toute cause justificative et se distinguant par le défaut d’un élément intentionnel de la faute intentionnelle.
La chambre sociale de la Cour de Cassation a redéfini la notion de faute inexcusable par une série d’arrêts rendus le 28 février 2002, et selon lesquels :
en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l’entreprise. Le manquement de l’employeur à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
La nouveauté est que la Haute juridiction (Cour de Cassation) conclut que les employeurs ont commis des « fautes inexcusables » selon une interprétation juridique vieille de plus de 60 ans.
Pour les juges, la faute inexcusable réside dans le fait que l’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour éviter, voire limiter, l’exposition des salariés à l’amiante, bien qu’il ait eu ou aurait du en avoir conscience.
Le Premier Avocat général de la Cour de Cassation a fait observer, lors de l’examen des dossiers des victimes de l’amiante ayant fait l’objet des arrêts du 28 février 2002 :
( … ) il ne peut être considéré qu’antérieurement aux dispositions spécifiques intervenues à partir de 1977, un vide juridique aurait existé et que, de la sorte, l’usage de l’amiante aurait échappé à la réglementation (réserve étant faite, en tout état de cause, de l’application de l’obligation générale de sécurité). Dès lors que la période d’emploi du salarié était en partie ou en totalité antérieure à l’adoption des dispositions spécifiques, le juge, qui ne paraît en aucun des dossiers examinés avoir entendu éviter de faire application de celles-ci, devait, pour la période antérieure, faire application des dispositions alors seules en vigueur.
Ainsi que le souligne le Premier Avocat général, il existait bien une réglementation précise, ainsi qu’une obligation générale de sécurité, incombant à l’employeur, et consacrée par la jurisprudence depuis des décennies.
En particulier, la Cour de Cassation, rappelle régulièrement dans le cadre de sa jurisprudence relative à la faute inexcusable qu’il incombait à l’employeur d’édicter des règles efficaces de sécurité, de veiller à leur bonne exécution, et d’instruire le personnel appelé à les appliquer.
En ce sens :
Soc., 8 mai 1961, Sté Star ci Capelli, publication n° 498,
Soc., 25 juillet 1984, Éts Hivert ci Gautier, pourvoi n°83-12011,
Soc., 3 novembre 1988, Rigaud ci Mazieres, pourvoi n°87-10602,
Soc., 12 octobre 1989, Masson ci Sté P…, pourvoi n°88-11731,
Soc., 15 juillet 1999, Kannouche, pourvoi n°97-21219.
Également :
Civ., 2ème, 12 juillet 2007, pourvoi n°06-16748.
Civ., 2ème, 12 juillet 2007, pourvoi n°06-17144.
En visant expressément l’article L.230-2 du code du travail dans ses arrêts du 28 février 2002, la Cour de Cassation a manifestement voulu rappeler l’existence de cette obligation générale de sécurité et la rendre ainsi plus efficace en l’intégrant parmi les critères permettant au juge de retenir la faute inexcusable de l’employeur.
De plus, le Premier Avocat général de la Cour de Cassation a pu ainsi faire observer, lors de l’examen des dossiers ayant fait l’objet des arrêts du 28 février 2002 :
(…) le fait que le tableau n°30 des affections respiratoires liées à l’amiante ait été créé dès 1945 et qu’il ait été complété à plusieurs reprises, a eu pour conséquence que, quelle que fût la pathologie concernée et les incertitudes scientifiques de l’époque, tout entrepreneur avisé, était dès cette période tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l’usage, alors encore licite, de cette fibre.
La Cour de Cassation avait d’ailleurs déjà consacré cette thèse :
l’employeur aurait dû avoir conscience du danger qu’il faisait courir à son salarié en l’exposant sans protection aux poussières d’amiante, puisque l’asbestose a été inscrite dès 1950, par le décret n° 50-1082 du 31 août 1950, au tableau n° 30 des maladies professionnelles. (C.cass., Soc., 3 décembre 1992, BESSE c 1 S.N.C.F).
Elle l’a encore confirmé en soulignant que l’employeur :
avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié, le benzène étant une substance inscrite depuis 1932 au tableau n° 4 comme susceptible de provoquer des maladies professionnelles. (C.civ. 2ème, 8 mars 2005, X… c 1 RHODIA).
De son côté, le Ministère de l’Emploi et de la Solidarité annonçait à la même époque que le Fonds d’Indemnisation des Victimes de l’Amiante ( F.I.V.A.) serait opérationnel prochainement.
Amiante : la Procédure pénale
Une action pénale est en cours depuis de nombreuses années.
L’instruction de « l’affaire de l’amiante » dont la juge Marie-Odile Bertella Geoffroy en a la charge, s’articule autour de deux axes.
D’une part, une inertie des pouvoirs publics français, suspectés de n’avoir pas pris la mesure des risques encourus par les ouvriers en contact avec l’amiante.
Mais aussi un immense lobbying industriel destiné à prolonger l’usage de cet « isolant miracle » pourtant réputé cancérigène depuis les années 1950.
L’inertie des pouvoirs publics français concernant l’amiante
En effet, ce n’est qu’en 1977, soit 46 ans après l’Angleterre, que la France prendra le premier décret limitant le taux d’empoussièrement de l’amiante.
Dès 1978, le Parlement Européen préconise des recherches pour utiliser des produits de remplacement sûrs de l’amiante.
En 1983, une directive européenne accentue les mesures de protection.
La France ne va traduire cette mesure qu’en 1987 alors que, dès 1986, la Suisse et le Danemark interdisent totalement l’amiante.
De fait, en France, l’alerte sanitaire ne sera véritablement donnée qu’en 1994, déclenchant le processus d’interdiction qui aboutira en 1997.
C’est dans ce premier volet que Martine AUBRY a été entendue le 6 novembre 2012 au pôle financier du Tribunal de Grande Instance de Paris et mise en examen pour « homicides involontaires » par le juge d’instruction.
Martine AUBRY estime n’avoir reçu aucune alerte de la part des instances françaises laissant penser que les normes ne protégeaient pas les ouvriers.
Pourtant, pour la magistrate, des signes existaient et aurait dû justifier des mesures plus rapides.
Malheureusement, la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, a décidé de décharger la juge Marie Odile Bertella-Geffroy, de ses fonctions au pôle de santé du Tribunal de Grande Instance de Paris, en mars 2013.
En effet, depuis une réforme de 2011, le chef d’une juridiction spécialisée ne peut se maintenir plus de dix ans à son poste.
La Garde des Sceaux a donc appliqué le décret et Marie Odile Bertella-Geoffroy a quitté le pôle de santé publique en laissant derrière elle un travail inachevé.
Plus grave encore, en Juin 2014, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris a annulé les mises en examen de plusieurs protagonistes du scandale de l’amiante, dont Martine Aubry et cinq membres du Comité Permanent Amiante (CPA) qui ne seront pas renvoyés devant les tribunaux.
Le 14 avril 2015, Martine Aubry a été mise définitivement hors de cause.
En effet, la Cour de Cassation a rejeté, définitivement le pourvoi que les victimes avaient formé contre la décision.
Martine Aubry avait été mise en examen, en novembre 2012, pour homicides et blessures involontaires pour son rôle, entre 1984 et 1987, au Ministère du Travail, en sa qualité de directrice des relations du travail.
Cette affaire concernait, en particulier, l’exposition à l’amiante des salariés de l’usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau dans le Calvados.
Seules huit personnes restent mises en examen, dont six anciens directeurs ou employés de l’usine de Condé-sur-Noireau.
Le rôle suspect du Comité Permanent Amiante
Le Comité Permanent Amiante, était une structure informelle, pilotée par une société de communication oeuvrant pour l’industrie et rassemblait des industriels, des syndicalistes, des hauts-fonctionnaires mais aussi des médecins.
Ce Comité Permanent Amiante est soupçonné d’avoir profité des carences de l’État pour prolonger l’utilisation de l’amiante malgré les alertes répétées dont ce produit néfaste faisait l’objet.
Un nombre important des membres de ce Comité Permanent Amiante ont déjà été mis en examen.
Martine AUBRY prétend n’avoir pas eu connaissance de ce Comité Permanent Amiante.
Les pronostics de 5000 à 10 000 morts par an à cause de l’amiante seront inexorablement atteints car les gens sont déjà malades ou doivent présenter les premiers symptômes.
L’interdiction de l’amiante en 1997 ne doit pas faire oublier les risques induits par les millions de tonnes d’amiante disséminées dans les bâtiments et les machines.
Il est à craindre que plus de 100 000 personnes vont décéder des effets de l’amiante dans les 20 prochaines années.
Un tiers des retraités français sera concerné.