Connaissances scientifiques sur l’amiante
Découverte des dangers liés à l’exposition à l’amiante
De nombreux documents, études et rapports publiés depuis le début du XXème siècle constituent la preuve de connaissances scientifiques très ancienne des dangers de l’amiante.
Le rapport d’expertise collective de l’INSERM, rendu en novembre 1997, constitue un document de référence, relatant les grandes étapes de l’acquisition des connaissances sur les dangers d’une exposition à l’amiante.
Les premiers cas de fibrose pulmonaire chez des sujets exposés à l’amiante ont été décrits pour la première fois en 1906 par l’inspecteur du Travail Denis AURIBAULT, ayant entrepris une étude sur des cas mortels survenus parmi des travailleurs après quelques années d’exposition aux fibres d’amiante dans l’usine de CONDÉ SUR NOIREAU, créée en 1890 en NORMANDIE.
Après que le terme asbestose fut introduit en 1927 par COOKE, la Grande Bretagne adoptait la première réglementation visant à réduire le risque d’asbestose.
Dès 1935, un rapport de LYNCH suggérait l’existence d’une relation entre le risque de cancer du poumon et une exposition professionnelle à l’amiante. Cette relation était confirmée, d’une façon rigoureuse en 1955 par l’étude de DOLL, dans une population de travailleurs de l’amiante textile en Grande-Bretagne.
Ce fut le cas de l’étude de SELIKOFF, en 1960, à propos des calorifugeurs de la Ville de NEW-YORK.
Ce fut également la Conférence de l’académie des Sciences de NEW-YORK, toujours en 1960, qui mit l’accent sur la responsabilité de l’exposition professionnelle à l’amiante dans la survenue du cancer du poumon dans les mines d’amiante, dans les chantiers navals, chez les calorifugeurs et les travailleurs de l’amiante textile.
S’agissant du mésothéliome, les premiers éléments ont été fournis par WAGNER en 1960, concernant les mineurs de crocidolite d’Afrique du Sud et la population vivant au voisinage, observations immédiatement suivies par celles similaires constatées en Grande Bretagne, au Canada et aux États Unis.
En France, dès 1930 des scientifiques français comme le Docteur DHERS publiaient dans la revue intitulée « La médecine du travail » plusieurs pages de recommandations précises en direction des industriels utilisateurs d’amiante sur les mesures à prendre en milieu de travail afin de supprimer les poussières (« Amiante et asbestose pulmonaire », pp.147-172 et 187-209).
Le Docteur DHERS, en collaboration avec le Docteur DESOILLE, future autorité incontestée en FRANCE en matière de risques du travail, écrivait en 1946 dans la revue « Archives des maladies professionnelles, de médecine du travail et de sécurité sociale », à propos d’une enquête sur les conditions de travail des ouvriers calorifugeurs employant de la fibre de verre :
L’amiante, qui est agréable à travailler, ne provoque aucun trouble gênant en apparence mais est, par contre, fort dangereux par la pneumoconiose spécialement grave qu’il provoque connue sous le nom d’asbestose, d’évolution plus sévère que la silicose et qui est plus rapidement mortelle.
Lors du Congrès international de CAEN les 29 et 30 mai 1964 organisé par la chambre syndicale de l’amiante, et où WAGNER a présenté ses travaux sur le mésothéliome, le Professeur HADENGUE, précisait qu’à cette époque, plus de 70 pays indemnisaient l’asbestose comme maladie professionnelle et que certains pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni prenaient déjà en charge les cancers broncho-pulmonaires.
Cette étude soulignait d’une part l’obligation faite aux employeurs de déclarer à l’inspection du travail et à la Caisse de Sécurité sociale, tout procédé de travail susceptible de provoquer une asbestose et, d’autre part, le rappel des dispositions de l’article 6 du décret du 10 juillet 1913.
Également lors du Congrès de CAEN, on peut noter la présence de la majorité des professeurs de médecine directement concernés par les problèmes de santé au travail, de divers responsables de la Sécurité sociale et des directions du travail, du CERCHAR, de l’INRS, etc.
Ainsi, ce Congrès a connu une large audience parmi les acteurs et intervenants du risque professionnel en France.
Il est également significatif de citer les observations du Professeur GOT, dans son rapport remis le 15 juillet 1998 (pages 32-33 du rapport).
Dès le début du siècle et les premiers développements de l’usage industriel de l’amiante, le risque d’asbestose a été identifié (en FRANCE par AURIBAULT en 1906). Il y a là, à mes yeux une évidence. Les moyens de prévention qui sont relativement simples ont été constamment sous-développés depuis. Lutter contre l’empoussièrement a un coût, mais c’est techniquement réalisable avec des méthodes qui étaient disponibles il y a cinquante ans, au moment où de nombreuses victimes actuelles de l’amiante débutaient leur exposition à des niveaux d’empoussièrement dangereux, souvent dès l’âge de 14 ans;
Le risque de développer un cancer, en particulier pleural, est bien identifié depuis une quarantaine d’années (DOLL, en 1955 pour le cancer broncho-pulmonaire – WAGNER, en 1960 pour le mésothéliome).
En FRANCE les écrits de TURIAF (1965) n’ont pas été des textes à diffusions réduites. Les revues où il les publiait étaient les plus diffusées de la presse médicale ».
En 1972, une note de l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), après avoir souligné que « l’inhalation de poussières d’amiante était dangereuse pour la santé de l’homme », présentait des mesures de prévention de l’inhalation de poussières d’amiante, même lorsque la concentration en fibres n’est pas très importante, telle que l’aspiration effective de la poussière, le port de vêtements de travail appropriés (masque individuel …), mais aussi l’interdiction d’utiliser l’air comprimé pour nettoyer les combinaisons et les balais.
Une autre note de l’INRS, en 1976, établissait une revue bibliographique de connaissances scientifiques sur le pouvoir cancérogène des amiantes et des matériaux fibreux. Cette note débutait par l’observation suivante :
Depuis 15 ans environ, l’attention a été attirée sur l’amiante, déjà connue pour ses propriétés fibrosantes (asbestose), comme agent étiologique des cancers humains : carcinome bronchique, mésothéliome pleural, péritonéal et peut-être certains cancers du tractus gastro-intestinal.
Le rapport du Sénat intitulé « Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir » présente d’ailleurs une liste de repères chronologiques sur l’amiante en France tout à fait édifiante quant à l’ancienneté des suspicions qui pesaient sur ce matériau et sur l’attitude des acteurs de ce drame sanitaire, en particulier les industriels, dont certains n’hésitent pas encore à nier la nocivité de ce produit.